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Reporters sans frontières dénonce fermement le brusque changement de direction de la chaîne d’opposition ТVi, annoncé le 23 avril 2013, et s’inquiète de l’arrêt de la diffusion des programmes provoqué par les luttes internes qui ont éclaté.
« Nous condamnons la manière révoltante dont les journalistes de la chaîne indépendante TVi sont traités par la nouvelle direction. Nous lui demandons de reconnaître le nouveau syndicat des journalistes de TVi et d’accepter leurs revendications : rendre publique les informations permettant d’identifier les propriétaires réels de la chaîne, rétablir la précédente grille de diffusion, annuler le licenciement injustifié d’un journaliste. La nouvelle direction ne doit pas diviser son équipe en l’impliquant dans des règlements de comptes personnels mais doit assurer l’indépendance éditoriale des services d’investigation et d’information de la chaîne», a déclaré Reporters sans frontières.
« Nous nous inquiétons de l’opacité financière dont jouissent certains propriétaires de médias en Ukraine et d’un phénomène croissant de concentration qui porte atteinte au pluralisme de l’information dans le pays », a ajouté l’organisation.
Le service de presse de TVi a annoncé, le 23 avril, un changement dans les sources de financement de la chaîne et dans sa direction générale. Selon la nouvelle direction, l’ex-propriétaire Konstantine Kagalovsky, un Britannique d’origine russe, ancien actionnaire de la compagnie pétrolière Yukos et fondateur de la chaîne (avec l’oligarque russe, Vladimir Goussinski), aurait été légalement remplacé par Alexandre Altman, un homme d’affaires américain d’origine ukrainienne. La directrice, , a été remplacée par le présentateur, . L’ancienne équipe dirigeante a qualifiée de véritable “raid” ce remaniement interne.
Alexandre Altman et Artem Shevchenko auraient présenté ces remplacements comme l’unique moyen pour éviter la vente de la chaîne à des proches du pouvoir ukrainien. La nouvelle direction aurait permis de tenir la chaîne « hors de contrôle de tout groupe politique, groupe d’affaires, et du pouvoir en place » et de maintenir le statut de « sources objective d’information » de la chaîne.
Le 23 avril, les journalistes se sont vu refuser l’accès aux bureaux de la rédaction. Une émission de débat dans lequel les différentes parties au conflit devaient s’expliquer, a été annulée par Artem Shevchenko. Suite à cette décision, la quasi-totalité des journalistes se sont mis en grève.
Alexandre Altman n’a pas encore présenté sa stratégie commerciale pour la chaîne ni n’a expliqué les implications de l’autorisation qui devraient permettre prochainement à la chaîne d’émettre sur les réseaux nationaux de diffusion. Ni Shevchenko, ni l’ex-directeur de la chaîne (aujourd’hui député de l’opposition et membre du Comité de la liberté de l’information) n’ont apporté des précisions sur l’identité réelle du propriétaire de la chaîne.
Un des présentateurs de TVi, a déclaré à Reporters sans frontières : “Nous voulons savoir ce qui se passe réellement et pourquoi la police ne réagit pas. Pour l’instant, l’arrêt des programmes ne semble déranger personne”, explique-t-il. Mustafa Nayem s’est également dit inquiet de l’implication des autorités dans l’affaire.
TVi est l’une des deux seules chaînes « d’opposition » en Ukraine. En 2010, TVi s’était vue retirer, par décision judiciaire, sa fréquence suite à des poursuites entamées par la société de télédiffusion Inter Media Group. L’année dernière, la chaîne a fait l’objet d’un contrôle fiscal et a été retirée de nombreux bouquets satellitaires, ce qui lui a fait perdre un tiers de ses téléspectateurs.
L’Ukraine est située à la 126e place sur 179 dans le classement mondial 2013 de la liberté de la presse établie par Reporters sans frontières. Le pays a perdu 10 points par rapport à l’année dernière.