60% des sols sont morts, et le mode de production actuel ne nourrit pas la planèt : rencontre avec Hélène Medigue, partie à la rencontre de celles et ceux pour qui un autre monde est possible.
AlloCiné : Comment avez-vous croisé le chemin de Maxime de Rostolan et comment avez-vous décidé d’en faire le héros de votre documentaire ?
Hélène Medigue :J’ai découvert l’existence de Maxime de Rostolan et de l’association “Fermes d’Avenir” à travers un article dans Le Monde en mai 2016. J’ai été immédiatement inspirée par les actions mises en place par l’association. Maxime et toute l’équipe tentent d’actionner la transition sur tous les fronts en reliant des mondes, qui, à priori ne sont pas amenés à collaborer. C’est à mon sens la valeur essentielle insufflée par Maxime : fédérer, réunir, intégrer plutôt que séparer.
“Faillite programmée”, “le grand mensonge de l’agriculture”, “une agriculture qui n’a jamais été aussi fragile” : le constat que livre votre film est accablant…
Très peu de citoyens ont conscience de la dégradation de nos sols. Dans notre pays, on met en place des lois pour tenter de protéger l’air, de protéger l’eau, mais il n’est jamais question de préserver nos sols, alors que c’est le socle de tout. D’autre part, le “mensonge” sur lequel repose l’origine de notre agriculture industrielle est méconnu par un grand nombre de gens. Il était important pour moi d’ouvrir le film avec ce constat, à la fois pour communiquer l’urgence à laquelle nous sommes confrontés mais aussi pour lever le voile sur cette réalité. Après ce constat, mon film aspire à délivrer un message d’espoir à travers les nombreuses solutions proposées.
Comment expliquez-vous que les démonstrations et solutions proposées par les différents protagonistes qui traversent votre film, et qui relèvent toutes du bon sens, soient aussi peu entendues ?
C’est la principale raison qui a motivée mon film ! Je suis en quête de sens, On marche sur la tête ! Un nouveau modèle agricole est possible, il suffit juste d’éveiller les consciences et de prendre collectivement le chemin de l’agroécologie, qui n’est d’ailleurs que positif pour l’intérêt général. Et il faut aider les agriculteurs qui ne sont pas responsables de cette “tragédie”.
En évoquant la “perte de sens” des agriculteurs, qui ne savent plus très bien pour quoi et pour qui ils cultivent, votre film élargit le débat à la société humaine en général où cette perte de sens est de plus en plus criante, quel que soit le secteur. Quelles sont les solutions pour remédier à cette situation selon vous ?
“Notre conscience est à la traine de la science”, notre technologie est un support essentiel à l’évolution de notre société mais nous allons être contraint de nous re-synchroniser avec la nature et de redéfinir notre rapport au temps. Eveillons nos consciences, travaillons notre écoute, recréons du lien et investissons un peu d’énergie à manger bio local et de saison, les problématiques générées par notre agriculture industrielle reflète un enjeu universel et nous devons y répondre collectivement.
C’est extrêmement intéressant, en suivant Nicolas Hulot avant et après sa nomination en tant que Ministre, de voir que les politiques ont une volonté de changer les choses mais qu’ils ont souvent les mains liées une fois au pouvoir. Et que la solution viendra plutôt des paysans eux-mêmes, des consommateurs… mais aussi des entreprises. Avez-vous été étonnée de découvrir autant de grands groupes impliqués dans cette volonté de revenir à la permaculture et au temps long ? Et que pensez-vous de cette limite voire faillite du pouvoir politique sur des sujets aussi importants ?
J’ai été surprise que de si nombreux groupes et entrepreneurs soient déjà impliqués. Après les avoirs rencontré, je peux confirmer que cette démarche n’est pas motivée par une quête d’image mais bien par conviction. C’est ce qui a renforcé ma volonté de faire ce film. N’attendons plus que l’Etat prenne ses responsabilités, il faut que chacun, à son échelle, s’engage à financer cette transition.
J’ai commencé à filmer Nicolas Hulot en octobre 2016. Il était alors à des années lumière de se projeter à de telles responsabilités, on constate que Nicolas délivre les mêmes messages avant et après sa prise de fonction. J’ai confiance dans le fait que l’Etat rejoindra cette dynamique et que cette transition se développera de façon holistique.
Parmi toutes les personnes qui traversent votre film, on s’attache particulièrement au discours de Xavier Mathias. Que pouvez-vous nous dire de lui et de votre rencontre ?
C’est un coup de foudre ! J’ai filmé Xavier Mathias pour la première fois en septembre 2016. Xavier est un trésor vivant, un poète, un puits de culture, un sage. J’ai su en le rencontrant que je développerai son personnage et qu’il serait présent tout au long du film. Son écoute et sa proximité avec Maxime est la preuve qu’on peut relier les mondes.
Le film est dédié à Jacques Plot : qui est ce monsieur et en quoi cet hommage était-il important pour vous ?
Jacques Plot est le “père spirituel” de Xavier Mathias, son “mentor”. J’ai souhaité, pour mieux connaitre Xavier, filmer l’homme qui lui a transmis l’essentiel. La séquence des deux hommes assis dans l’herbe, près d’un étang, fait partie de mes plus beaux souvenirs de tournage. Jacques Plot nous a quitté en décembre 2017, j’ai décidé de lui dédier ce film…
Votre film se termine sur des plans d’épis de blé. Faut-il y voir une manière de dire qu’il faut oublier le “blé / argent” et revenir au “blé / nature” ?
Bravo ! C’est la métaphore de cette image de fin : “le champ des possibles”. Un blé vivant, brillant qui danse au gré des vents !
Comment se porte le projet de la Grande Ferme de Bretigny et plus largement le projet Fermes d’avenir ?
A la Grande Ferme, les légumes vont commencer à pousser d’ici septembre 2018 et les fermes “d’avenir” se multiplient à travers la France.
Alors qu’une sortie en salles limitera inévitablement la portée de votre film, pourquoi ne pas avoir envisagé une diffusion sur petit écran ?
Nous avons choisi dans un premier temps une sortie en salle pour accompagner le film et aller à la rencontre du public. Mais nous envisageons bien sûr une diffusion télé à posteriori.
Vous avez un parcours étonnant, qui va de la réalisation de documentaires sur des enjeux sociétaux à l’écriture, en passant par le théâtre et la télévision dans… “Plus belle la vie” notamment. Quel est le fil conducteur de votre carrière ?
La nature humaine, les rencontres, je suis contre le clivage donc j’essaye de voyager dans des mondes différents…sans préjugés.
Dernière question, au sujet du Péril jeune qui est l’un de vos premiers films (et un film culte pour toute une génération) : quels souvenir en gardez-vous, et notamment des jeunes Romain Duris et Vincent Elbaz ?
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Excellent souvenir, car c’est ma première rencontre avec Cédric Klaplisch. Il y a eu Les Poupées russes ensuite. J’ai une tendresse infinie pour l’œuvre de Klapisch, j’aime son regard sur le monde. Pour l’anecdote Cédric m’a écrit ce personnage de prof de sciences Nat’ alors que j’avais le même âge que Romain, Vincent et toute la bande : le travail a été de développer mon autorité pour être convaincante, ce n’était pas une mince affaire de garder mon sérieux, face cette classe d’acteurs géniaux et …bien dissipés !!!
La bande-annonce du “Péril jeune”
Le Péril jeune Bande-annonce VF