Tout savoir sur les psychotropes

Les psychotropes ne sont pas des substances anodines. Utilisés dans certaines pathologies, ils modifient le comportement. Le psychiatre Alain Gérard répond à nos questions.

Antidépresseurs, neuroleptiques, hypnotiques… Les psychotropes ne sont pas des substances anodines. De nombreuses idées reçues circulent sur ces produits. Le psychiatre Alain Gérard nous dévoile toute la vérité sur ces psychoactifs incontournables.
Les Français ont décroché la place de plus grands consommateurs de psychotropes. Pourtant, parce qu’ils agissent directement sur l’humeur et le comportement, ces substances intriguent, voire inquiètent, la plus part d’entre nous. Quand puis-je en prendre ? Combien de temps ?
Le psychiatre Alain Gérard, expert auprès de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, nous éclaire un peu plus sur ces molécules parfois tant redoutées. Les Français sont les plus grands consommateurs de psychotropes. Pourquoi un tel phénomène ?Dr Gérard : A l’heure actuelle, il n’y a pas de réelles explications documentées. Il y a néanmoins des éléments qui influencent cette tendance. L’accès facile aux soins et le remboursement de bon nombre de psychotropes, contrairement aux psychothérapies, jouent un rôle important dans leur consommation. Le réseau efficace de distribution n’est certainement pas étranger non plus à ce phénomène. De plus, l’usage global des médicaments fait partie de la “tradition“ française, il est ancré dans les moeurs. Enfin, la France a joué un rôle très important dans l’histoire de la recherche médicale, notamment en ce qui concerne les neurotropes et des antidépresseurs. Pourquoi alcool et psychotropes ne font-ils pas bon ménage ?
Dr Gérard : L’alcool a une action directe sur les humeurs de chacun. La plupart du temps, il aggrave les tableaux psychiatriques. Pris de façon chronique, il contribue au mal être de la personne. Pris occasionnellement, il engendre une désinhibition qui s’accentue avec la prise de psychotropes.
Au niveau pharmacologique, l’alcool interagit avec les psychotropes soit en cumulant ses effets à ceux des médicaments, soit en les potentialisant. Il faut à tout prix bannir les boissons alcoolisées lorsque l’on suit un traitement de ce type. Peut-on soigner une dépression sans antidépresseur ?
Dr Gérard : Aujourd’hui, la dépression se caractérise par une situation pathologique d’intensité, de gravité et de risques très différents. Cela est propre à chacun. Certaines personnalités vont peut-être développer des souffrances dépressives et ne seront donc pas très réceptives aux antidépresseurs.
Si la dépression est jugée d’intensité moyenne ou sévère, les antidépresseurs sont pour ainsi dire obligatoires. Inversement, les antidépresseurs suffisent-ils à soigner une dépression ?Dr Gérard : Là encore, tout dépend des tempéraments des patients. Le principe des antidépresseurs est d’améliorer l’humeur mais pas de régler les problèmes. Il est donc nécessaire, lorsque les patients se sentent le besoin de parler, de suivre une psychothérapie en parallèle. Pour les cas relativement lourds de dépression, on conseille de choisir les deux options. Peut-on être sous psychotrope toute sa vie ?
Dr Gérard : Premièrement, il est important de distinguer les traitements symptomatiques, curatifs et préventifs.
Les traitements symptomatiques sont là pour agir sur les symptômes de la maladie, les curatifs pour la soigner et les préventifs pour empêcher les rechutes.
Globalement, les deux premiers types de traitements ne se prennent pas à vie. En revanche ceux qui s’utilisent à des fins préventives peuvent être pris sur une période beaucoup plus longue. En effet, certaines personnes ont besoin de traitements préventifs au long cours, notamment celles atteintes de schizophrénie ou de troubles bipolaires.
Attention tout de même, un traitement à vie ne veut pas dire que la personne suivra forcément toujours la même prescription. Au contraire, elle sera sans cesse surveillée et réévaluée. Si les effets secondaires se font trop gênants, le traitement pourra être changé, en accord avec le médecin bien sûr. Les femmes enceintes ont-elles le droit de prendre des psychotropes ?
Dr Gérard : Normalement, il y a interdiction chez la femme enceinte de consommer des psychotropes. Il s’agit d’une mesure de précaution car aucune étude scientifique n’a pu déterminer à ce jour s’il y avait un risque pour la mère ou l’enfant. Il est très difficile d’évaluer le rapport bénéfice/ risque, et la raison est simple, les femmes enceintes sont toujours exclues de toutes les études.
Il arrive cependant, dans des cas très particuliers, que l’on prescrive un traitement ou que l’on décide de ne pas arrêter celui qui est en cours. Dans ces cas précis, une surveillance très attentive est de rigueur.
De plus, la mère doit être prévenue des risques encourus. Pourquoi les traitements aux antidépresseurs doivent durer au moins six mois ?
Dr Gérard : En fait, le traitement ne doit pas durer au minimum six mois à partir de sa prescription, mais entre 3 à 6 mois après que l’on ait pu constater une amélioration clinique.
La durée du traitement est calculée par rapport à la première manifestation d’une action thérapeutique.
Pour ce qui est de la durée minimale de trois mois, des expériences ont montré que si le traitement était arrêté trop tôt, les risques de rechutes étaient amplifiés. Il s’agit du temps minimum nécessaire à la consolidation de la réussite. Quand considère-t-on que le traitement est inefficace ?
Dr Gérard : Les effets favorables se font généralement sentir au bout d’une vingtaine de jours. Après un mois de traitement, si les symptômes persistent ou ne sont que très faiblement améliorés, on peut considérer que le traitement est inefficace, du moins aux doses prescrites.
Généralement les médecins décident de changer de molécule car pour certains médicaments, aucun effet dose n’a été démontré. Pour ma part, je préfère augmenter la dose pendant quelques mois et changer de traitement si toujours rien ne se produit. Comment bien arrêter son traitement ?
Dr Gérard : L’arrêt est une étape très importante qui se fait avec l’accord du médecin. En effet, au cours du traitement, il peut se créer des dépendances, psychiques ou physiques aux psychotropes, ou des accoutumances notamment aux hypnotiques et aux tranquillisants.
Une sensation de manque peut alors intervenir pendant les 10-15 jours qui suivent la fin de la prise de médicaments.
Pour limiter ces effets, il est conseillé d’arrêter la thérapie en douceur.
Le risque d’un arrêt brutal est l’apparition de troubles désagréables plusieurs jours et de façon plus importante, ce qui est d’autant plus nocif.
La meilleure méthode pour arrêter est d’abord de choisir avec le prescripteur la date de fin de traitement. Ensuite, il faut dresser avec lui un plan de réduction progressive des doses journalières, jusqu’à l’arrêt total.
Il faut rappeler que même avec un sevrage correct, l’apparition de symptômes dérangeants est quasi inévitable. Il est important de le savoir avant de commencer l’opération pour être capable de lutter contre.
Propos recueillis par Emmanuelle Jost
Un livre pour aller plus loin :
Le Guide du bien-être Psy, Editions Vidal, ouvrage collectif supervisé par les Dr Alain Gérard et François Baumann, 24 Euros.Click Here: camiseta rosario central