Les résultats du premier Observatoire sociétal du médicament, effectué par TNS Sofrès pour le Leem, montrent des résultats contrastés mais plutôt positifs : les personnes interrogées sont globalement satisfaites du système actuel, même si elles souhaiteraient en savoir plus sur leurs traitements, mais aussi sur ceux qui les fabriquent. Retour sur les principaux résultats de cette enquête rendue publique le 24 mai.
En pleine
affaire Mediator ®, entre janvier et février 2011,
TNS Sofrès a interrogé 2 023 personnes en face à face, à leur domicile. Cette enquête sera réalisée chaque année afin de mesurer d’éventuelles évolutions des résultats, dont voici les principaux.
L’image du médicament largement positiveLes participants ont dû tout d’abord choisir les 4 mots qu’ils associaient le plus souvent au médicament. Les mots positifs (en rose ci-dessous) sont largement majoritaires, avec les notions de “soulagement“ et de “guérison“ en tête :
En additionnant les 4 mots choisis par chaque personne, 63 % des personnes interrogées ont majoritairement cité du positif (en particulier les plus de 65 ans et les 18-24 ans), 26 % ont équilibré positif et négatif (davantage de femmes de moins de 35 ans et d’ouvriers), et 7 %, ce qui n’est pas négligeable, ont une image uniquement négative des produits de santé.
Cette image globalement positive se retrouve dans l’évaluation de la confiance, du moins dans les médicaments de prescription.
Une confiance variable selon le type de médicament
D’une manière globale, 82 % des répondants disent faire “plutôt“ (66 %) ou “tout à fait“ (16 %) confiance aux médicaments. Si les médicaments sont disponibles uniquement sur ordonnance, ce pourcentage de satisfaction monte à 94 %, dont 35 % qui ont “tout à fait“ confiance. Par contre, seuls 69 % déclarent faire confiance aux médicaments sans ordonnance, soulignant l’importance du rôle du prescripteur… et du remboursement.
TNS Sofrès a également recherché d’éventuelles variations de cette confiance en fonction du type de médicament. Résultat, les antalgiques et les antibiotiques sont plébiscités, mais aussi les vaccins, malgré la
gestion controversée de la pandémie grippale en 2009 :
Par contre, la confiance n’est pas majoritaire pour les compléments alimentaires. Pire, seuls 29 % des personnes interrogées font confiance aux
alicaments (aliments censés avoir également un rôle thérapeutique, comme un yaourt qui améliorerait la flore intestinale, ou encore une margarine anti-cholestérol), ce qui montre les limites actuelles de la communication sur ce type de produits dont les allégations scientifiques ne sont pas toujours fondées…
Les professionnels plébiscités pour l’information sur le médicament… mais ils n’en donnent pas suffisamment
Les Français font à une écrasante majorité “le plus confiance“ aux professionnels de santé “pour les informer sur les médicaments qui leur sont prescrits“, et non à internet ou au Ministère de la santé, ce qui est plutôt rassurant, la médecine étant avant tout un colloque singulier entre le soignant et le patient. Le médecin recueille 82 % des suffrages, le pharmacien 57 %.
Cependant, 40 % des Français interrogés estiment que leur médecin ne leur donne pas suffisamment d’informations sur les médicaments qu’il leur a prescrits (16 % : pas du tout). Les patients se posent donc encore des questions après la consultation, ce qui explique que de nombreuses personnes recherchent des informations complémentaires, par exemple sur Doctissimo (42 % cherchent des informations sur les médicaments de leur ordonnance).
En ce qui concerne la notice, elle n’est lue en détails que par 44 % des répondants. Par contre, elle semble satisfaire ceux qui la lisent : elle est jugée “compréhensible“ sur le mode d’administration (86 %), les éventuels effets indésirables (85 %) et les contre-indications (84 %). Par contre, elle semble moins claire sur la composition du produit et sur le laboratoire qui produit le médicament.
“C’est pas moi, c’est les autres“
Bonne image, confiance, notice claire… Tout serait donc parfait ? Non, bien sûr. Les répondants estiment par exemple que l’on consomme trop de médicaments en France, à 90 %. Pourtant, lorsque TNS Sofrès leur a demandé si c’était leur cas, à titre individuel, 84 % ont répondu “non“…
De même, 91 % disent “respecter les doses prescrites“ et 70 % déclarent suivre leur traitement “à la lettre“, alors que de nombreux professionnels de santé soulignent les difficultés d’observance de leurs patients.
Il y a donc une discordance entre certaines assertions et la réalité, discordance qui s’applique peut-être aussi à la confiance et à l’image du médicament évoquées ci-dessus. Au-delà du traditionnel “c’est pas moi, c’est les autres“, que l’on retrouve dans d’autres domaines, cela pourrait s’expliquer par la méthodologie de cette étude, réalisée non pas avec des cases à cocher mais via des entretiens individuels, personnalisés. Ces entretiens ont donc peut-être incité à choisir un idéal dans un contexte de forte médiatisation de dérives et de défiance envers certains acteurs privés et publics.
Des opinions contrastées sur les laboratoires pharmaceutiques
Après le médicament, ses fabricants : la crise du Mediator ® a mis sous le feu des projecteurs le circuit actuel des médicaments et ses carences, avec en particulier la découverte de possibles pressions des industriels sur les autres acteurs (experts des agences sanitaires, professionnels de santé et même politiques) pour des raisons économiques.
Une influence contestée qui se retrouve dans certains résultats de TNS Sofrès (même si l’enquête n’a pas forcément multiplié les questions sur ce sujet) : pour 80 % des répondants, les entreprises du médicament “sont plus soucieuses de leurs bénéfices que des malades“, et pour 76 % d’entre eux, elles ne font de la recherche “que pour des médicaments rentables“, ce qui est un reproche souvent formulé à leur encontre.
D’ailleurs Christian Lajoux, président du Leem (Les Entreprises du Médicament) se déclare “lucide par rapport à cette perception“ de prééminence de l’économique sur la santé, mais il rappelle aussi que “le progrès thérapeutique viendra des industries du médicament“.
Les Français en ont bien conscience apparemment, puisqu’ils estiment aussi, à 85 %, que les entreprises du médicament jouent un rôle important, voire primordial, dans la découverte de nouveaux traitements, en particulier sur la
douleur, les
maladies cardiovasculaires, le
diabète ou encore le
cancer. Leur rôle économique est également reconnu (en tant que source importante d’emplois et de moteur de la croissance).
Enfin, 80 % des Français estiment que les entreprises du médicament communiquent mal sur leur activité et leur rôle, ce qui laisse une marge de progression d’autant plus appréciable dans le contexte de remise en cause du système actuel du médicament en France.
Et demain ?
Malgré la crise actuelle et une défiance du grand public notamment perceptible depuis plusieurs mois sur les forums de discussion et commentaires d’articles en ligne, cette enquête montre que les Français ne jettent pas le bébé avec l’eau du bain et se montrent globalement satisfaits de leurs médicaments, de leurs pourvoyeurs et producteurs.
Il sera cependant intéressant de comparer ces résultats à ceux obtenus par la même méthode l’année prochaine. En effet en 2012, le circuit des produits de santé aura été (a priori) revu, notamment suite aux
Assises du médicament : transparence des évaluations et décisions, limitation des influences, mise en valeur d’une juste pharmacopée et majoration de l’information, en particulier sur les rapports bénéfices – risques pourraient alors lever une partie des doutes et défiances instillés par l’épisode de la grippe A/H1N1 et de l’affaire Mediator…
Jean-Philippe Rivière
Source : présentation de l’Observatoire sociétal du médicament 2011, TNS Sofrès et Leem, 24 mai 2011. Présentations de l’enquête et étude complète
accessibles sur le site du Leem.
Photo : Christian Lajoux, 2009, © IBO/SIPA