Cancer de l’ovaire : le dépistage systématique pourrait réduire la mortalité

Le dépistage du cancer de l’ovaire pourrait réduire la mortalité liée à cette maladie. Mais il est aujourd’hui bien difficile de le prouver et encore plus de de l’évaluer avec précision puisque la réduction moyenne est de 20% avec une fourchette allant de 0% (pas de réduction) à -40% (une bien plus grande réduction de la mortalité). Seul un suivi plus long des 200000 femmes incluses dans cette vaste étude permettra d’évaluer la pertinence d’un dépistage de masse.

Un dépistage systématique du cancer de l'ovaire pourrait réduire la mortalité chez les femmes… mais les preuves manquent encore.

Un cancer silencieux et particulièrement meurtrierDifficile à diagnostiquer, car il ne provoque généralement des symptômes qu’à un stade avancé de la maladie et qui peuvent être associés à d’autres pathologies (fatigue, ballonnements, douleurs abdominales ou douleurs pelviennes), le cancer de l’ovaire est le plus meurtrier des cancers gynécologiques.Dans environ 3/4 des cas, il est ainsi diagnostiqué à un stade très avancé. Ainsi, pour la majorité des femmes atteintes de cette tumeur, le pronostic est mauvais au moment du diagnostic et cela, malgré les progrès thérapeutiques. Ce cancer est à l’origine d’environ 150 000 décès chaque année dans le monde, selon des chiffres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). En France, il touche environ 4 400 femmes par an dont plus de 3 000 en meurent. 60 % des femmes en meurent dans les cinq ans qui suivent le diagnostic, mais ce taux peut être amélioré significativement si la tumeur est diagnostiquée à un stade plus précoce.Une réduction de la mortalité de 15 à 28 %… en moyenneL’étude anglosaxonne UKCTOS a permis de suivre plus de 200 000 femmes âgées de plus de 49 ans depuis 2001. Aucune d’entre elles n’étaient considérée comme à risque de cancer de l’ovaire. Elles ont été réparties en trois groupes :

  • Un groupe n’a bénéficié d’aucun dépistage particulier du cancer de l’ovaire (100 000 femmes) ;
  • Un deuxième groupe (50 000 femmes) a bénéficié d’un dépistage basé sur une échographie transvaginale annuelle ;
  • Un dernier groupe (50 000 femmes) a bénéficié d’un dépistage annuel basé sur un dosage sanguin d’un marqueur tumoral baptisé CA125 interprété en utilisant un algorythme spécifique (ROCA) suivi d’une échographie transvaginale en cas de résultat suspect.

 

Mieux interpréter le dosage du CA 125 grâce à un algorythmeLe dosage de l’antigène tumoral CA 125 dans le sang est un marqueur imparfait s’il est interprété isolément : des nombreuses femmes ayant un cancer de l’ovaire au stade précoce ont des taux normaux de ce marqueur tumoral dans le sang et en outre, il n’est pas spécifique du cancer de l’ovaire car il peut augmenter dans de nombreuses situations y compris non tumorales. Mais l’équipe britannique a mis au point un algorythme basé sur l’évolution de ce dosage. Le principe étant qu’en cas de cancer ovarien, l’antigène a tendance à augmenter dans le temps et à l’inverse, son taux reste stable ou diminue en l’absence de cancer ovarien ou de pathologie bénigne. Dans les deux cas, le taux initialement détecté de CA 125 est considéré comme le taux de base pour suivre la courbe comparative dans le temps. L’algorithme informatisé baptisé ROCA (Risk of Ovarian Cancer Algorithm) tient également compte de l’âge des patientes et des antécédents. Cette méthode a démontré son

efficacité pour détecter les cancers de l’ovaire à des stades plus précoces.

Durant la période de suivi de plus de 11 ans en moyenne, un cancer de l’ovaire a été diagnostiqué chez 1 282 femmes, 649 d’entre elles en sont décédées. Les meilleurs résultats ont été obtenus avec la méthode la plus facile à mettre en œuvre (test sanguin et échographie transvaginale si nécessaire). “Les résultats de l’étude font état d’une réduction de mortalité attribuable au dépistage allant de 15 à 28 %“, précise le Pr Ian Jacobs, de l’University College de Londres, qui a dirigé l’étude réalisée sur plus de 200 000 femmes britanniques âgées de 50 à 74 ans.Statistiquement, la réduction de la mortalité reste à confirmerMais ils ont surtout découvert qu’une détection précoce du cancer grâce au dépistage permettait de réduire la mortalité à long terme avec une mortalité réduite de 28 % au-delà de sept ans de suivi, contre seulement 8 % avant sept ans. “C’est la première preuve (…) que le dépistage peut réduire le nombre de décès par cancer de l’ovaire“, relève le Pr Ushah Menon, co-auteur de l’étude. Il souligne que “la découverte est importante compte tenu des progrès limités“, réalisés dans le traitement de ce cancer au cours des trente dernières années.Mais compte-tenu du faible nombre de cancers de l’ovaire dévéloppé chez les femmes suivies (650 cas pour 200 000 femmes suivies), l’étude ne permet pas d’avoir la preuve statistique d’une réelle réduction de la mortalité. Si la réduction moyenne de la mortalité est de 20 %, elle oscille entre 0% et 40%, sans qu’on sache aujourd’hui exactement où elle se situe… Seul un suivi plus long permettra de mieux évaluer cette possible réduction des risques, un réel enjeu sachant qu’un tel dépistage peut avoir des effets délétères (chirurgies inutiles, complications liées à la chirurgie, anxiété liée au dépistage et à des “faux positifs“…). L’infographie ci-dessous de l’association Cancer Research UK résume très bien les résultats de cette étude.

Pas de dépistage de masse pour l’instantCela justifie-t-il de mettre rapidement en place un dépistage de masse chez les femmes de plus de 50 ans ? Non, comme expliqué plus haut car les données statistiques ne permettent pas de statuer sur une réelle réduction de la mortalité mais indiquent une tendance positive. Ce que reconnaissent les auteurs à demi-mots, “La justification d’un dépistage de la population dépendra de toute une gamme de facteurs, y compris d’un suivi plus long afin de déterminer la réelle réduction de mortalité ainsi que des analyses en économie de la santé. Pendant ce temps, des améliorations peuvent être réalisées pour affiner le dépistage du cancer de l’ovaire, en développant des tests plus sensibles et en identifiant plus précisément les femmes les plus à risque“. Dans un commentaire joint à l’étude, le Pr René Verheijen des Pays-Bas salue les “résultats encourageants“ de l’étude britannique, tout en s’interrogeant sur le fait que seulement 59 % des cancers ont été détectés par le dépistage mis en place.David BêmeSource : 

Ovarian cancer screening and mortality in the UK Collaborative Trial of Ovarian Cancer Screening (UKCTOCS): a randomised controlled trial – The Lancet – Published online: December 17, 2015 (

étude complète accessible en ligne)Ovarian cancer screening trial – a tantalising result? – Cancer Research UK – 17 décembre (

accessible en ligne)Image : Traduction de l’infographie de Cancer Research UKClick Here: cheap all stars rugby jersey