Elles ne s’imaginent pas sans leur couvée, mais très bien sans homme. Décryptage, par Maryvonne Ollivry.
La photo est attendrissante. On dirait une nichée de bébés cygnes blottis sous l’aile de maman. Une belle image pour calendrier des Postes. Image un peu tronquée cependant : il manque le papa. C’est que madame a ordonné à son mâle de se faire la malle. Et madame a l’air de s’en trouver beaucoup mieux. Femelle rayonnante entourée de ses petits, sans parasite masculin à leurs côtés. Qu’un homme ait vécu avec elle durant douze ans, qu’il ait servi de père adoptif pour trois d’entre eux, qu’il soit le père biologique des trois autres, qu’elle l’ait même épousé en 2014, ne change rien à l’affaire. Pschitt ! Oublié ! On passe à autre chose. A la vraie vie. Celle où les mères sont reines. Ad vitam aeternam. On plaint Brad Pitt. L’acteur va faire l’expérience fatale qu’on ne s’attaque pas à une louve sans y laisser des plumes. Une louve qui, juste après l’annonce de leur rupture, le 20 septembre dernier, a revendiqué la « garde exclusive » des enfants, ne lui accordant qu’un « droit de visite » ! Son argument (vous connaissez la formule, qui veut noyer son chien…) : Brad s’adonnerait à l’alcool et à la marijuana, et serait agressif avec ses enfants. Enfants qu’elle se doit de protéger. Sous son aile de cygne.
Ça ne vous rappelle rien ? Mia Farrow, l’autre pasionaria de l’adoption et de la « maternitude » (conjonction de maternité et d’inquiétude). Quatre enfants biologiques et onze adoptés. Ne parlons pas de ceux que l’actrice a adoptés avec son mari André Previn – dont la fameuse Soon-Yi, devenue l’épouse de Woody Allen –, mais de ceux qu’elle a fait adopter en 1991 par le réalisateur new-yorkais, soit Dylan qui avait alors six ans et Moses treize ans. Or non seulement, au plus fort de la rupture, Mia Farrow a accusé Woody Allen d’avoir fait subir des attouchements à Dylan lorsqu’elle était petite, mais elle lui a décoché la flèche fatale : Satchel, né en 1987 et dont Woody pensait être le géniteur, ne serait pas son fils mais celui de son premier amour, Frank Sinatra… Dégage, Woody ! Laisse-moi seule avec mes petits. A moi.
Abusives ? Pour le moins… « Ces femmes créent une tribu sans homme, nous explique Jean-Claude Liaudet, psychanalyste, auteur de Quand l’amour manque (Ed. de L’Archipel). Il y a une sorte de volonté de puissance matriarcale, un désir de créer une autre espèce humaine sans apport masculin, qui ne dépendrait que d’elles. Cela leur est d’autant plus possible avec des enfants adoptés dont on ne sait rien du géniteur. On n’est pas loin de l’idée de clonage. Ces enfants viennent de nulle part, ils viennent de moi. » Alors qu’un homme s’impose durablement dans cette idylle, ça perturbe. Foin d’un père insuffisant, forcément insuffisant, comme était le sien pour Angelina Jolie – John Voight qui a quitté sa mère Marcheline. Autant se séparer avant de souffrir, lui dénier toute capacité éducative, et se débrouiller seule, comme maman l’a si bien fait. Et puis, comment ne pas craquer pour ces yeux d’enfants reconnaissants, ces petits innocents qui vous donnent tant d’amour, quand on en a manqué soi-même, comme ce fut le cas de Mia Farrow ? Fille de l’actrice Maureen O’Sullivan et du réalisateur John Farrow qui n’avaient pas grand temps à consacrer à leurs sept enfants, la petite Mia a fait, une fois adulte, le plein d’affection qui lui manquait. Une tribu à elle, qui lui doit la vie, qu’elle soumettra à sa loi…
Si Joséphine Baker n’avait rien d’aussi diabolique que l’interprète de Rosemary’s Baby, elle aussi a préféré, une fois ses douze enfants adoptés avec son époux, le chef d’orchestre Jo Bouillon, vivre avec sa « tribu arc-en-ciel » en femme divorcée. Les hommes, elle les a subis trop tôt afin d’échapper à une enfance misérable. Mariée une première fois à treize ans, une autre à quinze… L’amour, le vrai, elle le préférait dans le regard de ses enfants. Femme de référence pour eux. Femme phare. Femme courage. Femme formidable ? Il faut voir Angelina dans les pays en crise prendre dans ses bras un petit en souffrance devant les caméras pour comprendre que cette image lui tient à cœur et que son processus de toute puissance adoptive n’est pas terminé. « Souvent, ce peut être un vernis de fausse générosité qui cache autant de narcissisme que de mégalomanie, poursuit le psychanalyste. Dans la réalité, elles s’occupent plus ou moins bien des enfants. Le risque est que ces derniers en deviennent névrosés. Les garçons, de futurs hommes castrés, les filles, des femmes frustrées de ne pouvoir faire aussi bien que maman. A moins de réaliser un lourd travail sur soi. »
Elle n’en est pas encore au stade de Joséphine Baker, mais qui sait s’il n’y a pas un peu de cette volonté de puissance chez Madonna qui l’aurait poussée à adopter David et Mercy en mère solo ? Mais que ces reines sans partage se méfient. Parfois, il y a un cygneau qui se rebelle. Façon Soon-Yi qui a quitté sa mère pour épouser Woody Allen, ou Moses Farrow – devenu psychothérapeute ! – accusant Mia Farrow de manipulation pour avoir poussé Dylan à dire des horreurs sur leur père. « Elle a fait croire au monde entier que notre foyer était épanoui. Elle me frappait, a-t-il révélé. Quand on la contrariait, elle entrait dans des colères noires qui nous effrayaient car on ne savait pas de quoi elle était capable. » De tout. Brad Pitt n’a pas fini de souffrir.
Photos : Starface/Visual