Un projet de loi très inquiétant pour la liberté de l’information soumis au Conseil des ministres

Le Conseil des ministres est sur le point d’adopter, vendredi 22 novembre 2013, un projet de loi organique sur la sécurité publique (ley de Protección de la Seguridad Ciudadana) dont certains dispositions, déjà dénoncées en octobre 2012 par Reporters sans frontières, attentent gravement à la liberté de l’information. Le projet prévoit notamment que “la captation ou la diffusion d’images attentant à l’honneur, l’image ou la sécurité de membres des forces de l’ordre” sera condamnée par une amende allant jusqu’à 600 000 euros.

“Le ministère de l’Intérieur espagnol compte faire passer au sein d’un vaste paquet législatif sur la ‘sécurité publique’ une disposition liberticide. Dans quelle démocratie digne de ce nom les opérations de police ne peuvent-elles plus être couvertes par la presse lorsqu’elles ont lieu dans l’espace public ? Ce projet de loi risque de faire des manifestations de rue des zones interdites aux journalistes. Sous le coup de poursuites judiciaires et d’amendes exorbitantes, susceptibles d’être distribuée à l’envie tant la notion ‘d’atteinte à l’image ou à l’honneur d’un policier’ est imprécise, comment les journalistes pourront-ils couvrir efficacement non seulement les manifestations, mais l’ensemble des événements impliquant la police ? Qu’il soient journalistes ou simples citoyens, les Espagnols ont le droit d’accéder à une information sans ‘aucune forme de censure préalable’, conformément à la Constitution. Nous demandons en conséquence aux parlementaires de revenir sur cette disposition inconstitutionnelle”, a déclaré Reporters sans frontières.

“Cette manoeuvre législative est indigne d’une grande démocratie comme l’Espagne. Les journalistes couvrent les manifestations populaires depuis qu’elles existent. Ils prennent des photos, tournent des vidéos, écrivent des articles. C’est leur mission d’information, et elle est essentielle au fonctionnement de la démocratie. Plutôt que de chercher à faire taire les journalistes et les citoyens, le gouvernement devrait repenser à l’action de ses forces de l’ordre, qui se sont rendues coupables de violences contre des manifestants et des journalistes à plusieurs reprises ces dernières années”, a rappelé l’organisation.

Le projet de loi sur la sécurité publique, qui n’a pas encore été rendu public mais dont les principales dispositions ont été exposés dans la presse, comporte plusieurs volets. Outre les amendes prévues contre les individus qui capteraient ou diffuseraient des enregistrements nuisant à l’image, à l’honneur ou à la sécurité des policiers, ou qui compromettraient la réussite d’opérations de police, plusieurs autres sanctions sont prévues, notamment contre les rassemblements sans autorisation préalable devant les bâtiments publics qui seront eux aussi passibles d’amendes comprises entre 30 001 à 600 000 euros. Le gouvernement espagnol, par l’intermédiaire de son Secrétaire d’État en charge de la sécurité, Francisco Martínez, a assuré que la nouvelle loi sur la sécurité publique ne porterait pas atteinte à la liberté de la presse et qu’elle était censée combattre l’usage “malveillant, injurieux et agressif” des images où apparaissent des policiers.

L’Espagne occupe la 36ème place sur 179 pays au classement mondial 2013 de la liberté de la presse de Reporters sans frontières.