Alors que l’accès à Internet, en dehors des sites proches du
Guide suprême, a été bloqué, y compris pour les sites appartenant
aux dignitaires du régime, que la presse est étouffée, les
autorités tentent désormais de décourager les journalistes
étrangers d’entrer dans le pays.
200 demandes de visas “vérifiées minutieusement”
Le 29 mai 2013, Mohammad Hosseini, ministre de la Culture et de
l’Orientation islamique, a demandé au ministère des Renseignements
“de vérifier minutieusement
les demandes de visas
déposées par les
journalistes étrangers qui
souhaitent couvrir l’élection
présidentielle du 14 juin,
afin d’empêcher que,
contrairement à ce qui
s’était produit lors
de la dernière élection,
des espions sionistes
viennent en Iran”. Cette
déclaration fait suite à l’annonce, le 18 mai, par le directeur
des médias étrangers au sein du ministère de la Culture et de
l’Orientation islamique, selon laquelle “200 journalistes
de 105 médias et de
26 pays avaient déposé
une demande de visa
pour couvrir l’élection”.
Cette déclaration incite les journalistes étrangers à renoncer à
venir couvrir le scrutin ou, une fois sur place, à ne pas sortir de
la ligne officielle imposée par le régime. Le ministère de la
Culture et de l’Orientation islamique fait partie du comité, composé
de fonctionnaires de trois ministères (Renseignements, Intérieur et
Affaires étrangères), qui décide d’accorder ou non des visas aux
journalistes.
L’information, un enjeu majeur
Alors que les agences de presse présentes dans le pays ne peuvent
aborder les sujets sensibles et sont dans l’obligation d’accepter
au sein de leur rédaction de prétendus “journalistes”, en fait
des agents des services de renseignements, la couverture par la
presse étrangère de la répression qui s’abat sur leurs confrères
ainsi que sur la société civile en Iran constitue un enjeu majeur.
“Nous espérons que les
journalistes étrangers finalement
présents saisiront l’opportunité
électorale pour informer
le reste du monde
sur la répression dirigée
par les autorités
iraniennes contre les
libertés fondamentales, notamment
la liberté d’information.
Nous formons le vœu
qu’ils alerteront autant
que possible du calvaire
enduré par les
journalistes iraniens emprisonnés”,
a déclaré Reporters sans frontières.
“Contrairement à leurs
collègues locaux, les
professionnels des médias
étrangers pourront s’entretenir
avec les familles des
54 journalistes et
net-citoyens
emprisonnés. C’est
une opportunité unique de
rappeler à la communauté
internationale que des
citoyens sont incarcérés
depuis des années
simplement pour avoir
exercé leur droit
fondamental d’informer
leurs concitoyens”, a ajouté Reporters
sans frontières.
“Les deux candidats aux
précédentes élections – Mir
Hossein Mousavi,
ancien Premier ministre et
propriétaire du journal
suspendu Kalameh Sabaz, (ainsi que
sa femme, l’écrivain
à succès Zahra
Rahnavard), et
Mehdi Karoubi,
ancien Président du
Parlement et propriétaire
du journal suspendu Etemad
Melli -, ont été emprisonnés
le 24 février 2011. Placés
en résidence surveillée,
ils sont depuis lors
privés de tous leurs
droits. Les autorités ont
déclaré officiellement qu’ils
étaient libres. Si tel
est le cas, alors
les journalistes devraient
pouvoir les rencontrer et
les entendre.“
Un scrutin sous le signe de la menace
La guerre des clans au sommet du pouvoir et les tensions entre la
communauté internationale et Téhéran ont placé cette élection
sous le signe de la menace et de la peur. Entre le 17 et le 27 mai
dernier, les quotidiens,Bahar,
Tabnak, Hezbollah, Kayhan,
Vatan Emrooz, Sharvand,
Iran, Haft Sobeh, Madromsalari
ont reçu des avertissements de la Commission d’autorisation et de
surveillance de la presse, organe de censure du ministère de la
Culture et de l’Orientation islamique. Selon la loi iranienne sur
les médias, “l’avertissement est la première étape avant la
suspension”. Le site du quotidien Madromsalari,
appartenant à Mostafa Kavakabian, candidat invalidé par le Conseil
des Gardiens de la Constitution de la République islamique, ainsi
que deux sites proches des conservateurs, Ibnanews
et Seratnews,
ont été officiellement fermés sur ordre dugroupedetravaildédiéàlaluttecontreles
“contenuscriminels”.
Vous entrez dans un pays “Ennemi d’Internet”
Les journalistes étrangers seront tous logés à l’hotelLalehInternational.
Ils bénéficieront là-bas d’une connexion Internet, placée sous
haute surveilance, à l’image de l’ensemble du réseau Internet
en Iran. “Ennemid’Internet”,
l’Iran figure parmi les cinq pays mentionnés dans le rapportspécialsurlasurveillance
de Reporters sans frontières. L’organisation rappelle ici aux
journalistes étrangers quelques mesures de protection élémentaires
à mettre en oeuvre lors de leur séjour en Iran.
Avant le départ
-
Partez avec un ordinateur vierge si possible. L’idéal est de
procéder à une réinstallation complète de votre système
d’exploitation (Windows, OS X ou Linux). -
Si votre activité l’exige, n’emportez que les documents dont
vous aurez besoin sur place et chiffrez-les à l’aide de PGP
ou TrueCrypt. -
Mettez à jour votre système d’exploitation. Une fois sur place,
n’installez aucune mise à jour même si Windows vous le réclame. -
Activez votre pare-feu (un logiciel qui bloque les connexions
entrantes et sortantes non désirées, vous permettant ainsi de vous
prémunir contre certains types d’intrusion). -
Installez un antivirus avec les dernières définitions à jour.
-
Protégez votre ordinateur et terminaux mobiles avec un mot de passe
: le mot de passe permet en effet de bloquer l’accès à votre
poste de travail. -
Chiffrez le disque dur : verrouiller son ordinateur ou son téléphone
portable avec un mot de passe est inutile si vous ne chiffrez pas
également l’intégralité de votre disque. Pour ce faire, sous
Windows, utilisez BitLocker
ou TrueCrypt.
Le système Mac OS X d’Apple intègre un outil de chiffrement,FileVault
(préférences système – sécurité). -
Installez un VPN.
Un VPN est un logiciel vous permettant d’établir un tunnel de
communication chiffré entre votre ordinateur et un serveur situé à
l’extérieur du pays. Son utilisation rendra extrêmement
difficile l’interception de vos communications sur place.
L’utilisation d’un VPN vous permettra également de contourner
les éventuels blocages de sites et services web mis en place par le
régime. Installez un VPN avant de partir car en Iran, les VPN non
officiels, c’est à dire non contrôlés par le régime sont
interdits. Les accès aux sites proposant ce type de service sont
donc bloqués.
Mesures de sécurité à adopter sur place
Afin d‘éviter l’installation d’un malware
sur votre ordinateur, une bonne “hygiène électronique” s’impose
:
-
Ne cliquez pas sur des liens envoyés par un destinataire inconnu.
-
Ne téléchargez aucun logiciel dont vous ne connaissez pas la
provenance. -
N’acceptez pas de demandes de contacts de la part d’inconnus sur
les réseaux sociaux. -
Identifiez systématiquement l’expéditeur d’un email avant
d’ouvrir les pièces jointes associées.
-
Utilisez systématiquement votre VPN
préalablement installé lorsque vous vous connectez sur Internet. -
Sécurisez votre surf avec l’utilisation du protocole https
: lorsque vous surfez sur Internet, l’utilisation de https permet
de s’assurer que vos mots de passe ne circulent pas en clair sur
le réseau. -
N’utilisez pas Skype pour transmettre des données sensibles. Du
fait de sa très large utilisation, Skype est un logiciel ciblé par
de nombreux logiciels malveillants. Par ailleurs, la confidentialité
des communications passées par Skype n’estpasassurée. -
Chiffrez vos communications : l’interception d’emails est
fréquente en Iran. Afin de garantir la confidentialité des
échanges avec votre rédaction, échangez des emailschiffrésavecPGP
ou chiffrez vos “chats” avec le logiciel pdgin et le protocole
OTR. -
L’envoi d’un
mail chiffré est visible
sur le réseau Internet.
Si le régime ne peut accéder au contenu d’un email chiffré, il
peut en connaître l’expéditeur et le destinataire. Attention
donc lorsque vous envoyez un mail chiffré. Pensez à la situation
de la personne qui en est le destinataire. -
Créez une ou deux adresses mails, non associées à votre média,
et n’utilisez que celles-ci. Vous aurez ainsi la possibilité
d’envoyer des mails de manière discrète, “noyé dans la masse”
et de ne pas alerter les autorités sur le contenu potentiellement
intéressant de votre email. -
Il est possible également de n’envoyer vos mails qu’à une
seule adresse créée pour l’occasion. Un tiers de confiance situé
à l’extérieur du pays et muni du mot de passe de cette boîte
sera chargé d’envoyer les mails aux bons destinataires à partir
d’une autre boîte mail. Cela permet de ne jamais dévoiler les
destinataires de vos mails lorsque vous êtes à l’intérieur du
pays.
En cas de coupure ou de ralentissement extrême d’Internet
Il n’est pas rare de voir la vitesse du réseau extrêmement
dégradée lors de manifestations ou à l’approche d’événement
importants. Le ralentissement
ou les coupures du réseau durent peu de temps. Continuez à filmer
ou à écrire et stockez votre travail sur une clé USB chiffrée
(avec Truecrypt
par exemple). Une clé USB est plus facile à dissimuler et à
transporter qu’un ordinateur. Pour transmettre votre travail à
votre rédaction, utilisez une connexion satellitaire.
Attention, l’utilisation d’une transmission satellitaire
est aisément repérable. Ne restez pas trop longtemps immobile lors
de la transmission de documents. Changez souvent d’endroit. Si vous
devez transmettre de gros fichiers, faites-le en plusieurs fois. Des
logiciels permettent de découper un fichier en plusieurs parties.
Téléphones portables
Votre téléphone portable est unoutilquicontientetenvoieunnombreimportantd’informations.
Les deux principaux opérateurs de téléphonie mobile, MobileCommunicationCompanyofIran
et Irancell,
sont aux mains des Gardiens de la Révolution. En plus des données
émises et reçues, votre téléphone ou smartphone conserve bon
nombre d’informations, sur la carte SIM, sur sa mémoire interne et
sur les éventuelles cartes mémoire insérées.
-
Si votre téléphone le permet, verrouillez-le avec un mot de passe.
Toute carte SIM dispose d’un code PIN par défaut. Changez-le et
verrouillez votre carte SIM avec ce code. -
Si votre téléphone fonctionne avec le système d’exploitation
Android, vous pouvez utiliser de nombreux outils pour chiffrer votre
navigation Internet, vos chats, SMS et messages vocaux via les
outils créés par le GuardianProject
et Whispersys. -
Désactivez les fonctions de géolocalisation de vos applications.
Informez cependant quelqu’un lors de vos déplacements. -
Si possible, ne conservez pas d’historique de navigation. Si vous
vous situez dans un pays qui met en œuvre des moyens de
surveillance pour les téléphones portables ou si vous pensez être
surveillé de près à cause de vos activités, il est préférable
de ne pas utiliser de téléphone portable pour communiquer.
Préférez les rencontres en face-à-face. -
Si vous ne voulez pas vous séparer de votre téléphone portable
même lors de rencontres sensibles, démontez la
batterie avant de vous y rendre. Même sans carte SIM,
les téléphones portables envoient de nombreuses informations aux
tours relais avoisinantes permettant de les localiser (numéro IMEI,
IMSI, TMSI, cellule réseaux). Des logiciels, IMSI
catchers, permettent d’intercepter ces signaux et de
repérer un possesseur de carte SIM identifié au préalable. Pour
mémoire, il n’est pas possible d’enlever la batterie sur un
Iphone.