Le 12 avril 2013, une enquête menée dans le cadre de la loi anti-terrorisme a été ouverte à l’encontre de quatre journaux en langue ourdoue parmi les plus répandus dans le Baloutchistan. Mashriq, Express, Intikhab et Jang sont accusés d’avoir publié un communiqué émanant de l’Armée de libération du Baloutchistan, où l’organisation bannie revendique l’assassinat d’un officier de police. Jang, Mashriq et la chaîne télévisée Geo News sont également inquiétés pour avoir diffusé une diatribe contre la démocratie du chef de l’organisation terroriste bannie Tehreek-e-Taliban, Hakeemullah Masood.
“Nous réclamons la levée immédiate de toute procédure judiciaire émise à l’encontre de ces médias, sous couvert de la lutte anti-terrorisme. Les accusés n’ont pas diffusé ces communiqués d’organisation terroristes bannies librement, mais bien sous la contrainte. Des menaces qu’il appartient aux autorités pakistanaises de faire cesser. De plus, n’ayant nullement pris position pour ces dernières, ils ne peuvent être accusés”, a déclaré Reporters sans frontières.
“La justice du Baloutchistan ferait mieux de concentrer ses efforts pour retrouver et punir les assassins de journalistes, qui sont nombreux à n’avoir pas encore été inquiétés”, a ajouté l’organisation.
Selon Essa Tareen, président de la Baluchistan Union of Journalists (BUJ), interrogé par Reporters sans frontières, c’est sur la base d’un rapport (First Information Report, FIR) de l’officier de police Mohibullah Dadi qu’une enquête a été ouverte le 12 avril. Les rédacteurs, éditeurs et reporters des médias inculpés ont tous été mis en cause sous divers alinéas de la loi anti-terroriste. Cependant, aucun de leur noms n’aurait été mentionné dans le FIR, selon le président de la Baluchistan Union of Journalists.
Le dépôt du FIR et l’ouverture de cette enquête résulte de l’action suo motto menée par le président de la Haute Cour du Baloutchistan (Chief Justice), Qasi Faez Isa, qui convoqué le 9 avril des policiers de Quetta pour une audition. Au cours de celle-ci, ces derniers ont déclaré que la publication des revendications d’assassinat de l’un de leurs collègues, Amir Muhammad Dasti, par l’Armée de libération du Baloutchistan, “démoralisait” les forces de police et “intimidait la population”. Ils ont également accusé les médias de “glorifier” ces organisations, en les qualifiant de “moudjahidin” ou de “saint guerriers”.
Le Baloutchistan est l’une des régions les plus dangereuses au monde pour les journalistes. Mashriq, Express, Intikhab et Jang, subissent depuis plusieurs années de sérieuses menaces, émanant tant des organisations bannies que des autorités du pays.“Nous, les journalistes, sommes pris en sandwich entre le gouvernement et les organisations militantes”, a ajouté Essa Tareen.
Au cours de l’audience du 17 avril 2013, Qazi Faez Isa a déclaré que les médias ne devraient pas se considérer “au-dessus des lois”. Les quotidiens Jang et Mashriq ainsi que la chaîne Geo News sont accusés d’avoir relayé un communiqué hostile à la démocratie de Hakeemullah Massod, le chef de Tehreek-e-Taliban. Lorsque l’avocat des médias inquiétés a tenté de mettre en lumière la pression que ces organisations exercent sur les médias baloutches, le président de la Haute Cour du Baloutchistan a répondu que ces derniers “feraient mieux d’ouvrir un autre commerce s’ils ne sont pas capables de faire face aux menaces”, ajoutant que les juges eux-mêmes sont également des visés par ces groupes. “Ce qui a été publié par ces médias tombe sous le coup de la loi anti-terrorisme”, a-t-il ajouté.
Des journalistes locaux présents durant l’audience ont déclaré à Reporters sans frontières, que Qazi Faez Isa était “en colère” contre les médias, furieux que du temps d’antenne ait été accordé à ces organisations terroristes.
Le président de la Haute Cour du Baloutchistan a envoyé une convocation à Geo News et à Jang, les obligeant à se présenter à la prochaine audience qui se tiendra le 2 mai.
Depuis le début de l’année 2013, quatre journalistes ont été tués au Baloutchistan. Le 10 janvier, un double-attentat à Quetta a coûté la vie à et , cameraman et reporter de la chaîne de télévision Samaa News, ainsi qu’à , photographe de l’agence de presse privée News Network International (NNI). Le 1er mars, , correspondant pour le journal Inthikab, été tué par balles à Kalat. Un meurtre revendiqué quelques heures plus tard par l’Armée de libération du Baloutchistan.
Photo : herearenosunglasses.wordpress.com