Le 31 juillet 2013, le gouvernement a rendu public un nouveau texte, le Décret 72, qui interdit l’usage des blogs et des réseaux sociaux pour partager des informations sur l’actualité et dispose que ces plate-formes ne pourront être utilisées que pour “fournir ou échanger des informations personnelles”, à compter de son entrée en vigueur prévue pour le mois de septembre. Reporters sans frontières s’insurge contre cette grave atteinte au droit d’informer et d’être informé.
“L’annonce de ce décret ne constitue ni plus ni moins que l’offensive à l’encontre de la liberté de l’information la plus brutale depuis la signature par le premier Ministre Nguyen Tan Dung, du décret sur les sanctions applicables aux médias, en 2011. S’il venait à entrer en vigueur, les Vietnamiens se verraient définitivement privés d’informations indépendantes et critiques, qui circulent normalement sur les blogs et forums”, a déclaré Reporters sans frontières.
“Ce nouveau décret est aussi insensé qu’extrêmement dangereux. Sa mise en application nécessiterait une surveillance généralisée et permanente de toute la Toile par les autorités, une gageure. En revanche, il renforce l’arsenal législatif à la disposition du gouvernement, qui n’aura plus besoin d’invoquer une ‘tentative de renversement du gouvernement’ ou de la ‘propagande contre l’Etat’ pour inculper les acteurs indépendants de l’information. Quitte à faire quelques exemple pour inciter les autres à l’auto-censure. L’objectif à peine dissimulé de ce décret, est le suivant : maintenir à tout prix le parti communiste au pouvoir en faisant de l’information un monopole étatique.”
“Nous demandons à l’ensemble de la communauté internationale de condamner sévèrement le Vietnam s’il venait à instaurer le décret 72, et à considérer la mise en place de sanctions économiques, notamment sur le secteur du tourisme – auquel le gouvernement prête beaucoup d’attention – le plus susceptible de provoquer une réaction de la part des autorités. L’exclusion du Vietnam des négociations du partenariat trans-pacifique (Trans-Pacific Strategic Economic Partnership Agreement) doit être sérieusement envisagée. Tout doit être fait pour empêcher que ne se forme un nouveau ‘trou noir’ de l’information”, a conclu l’organisation.
Les blogs et réseaux sociaux, qui représentent d’importantes sources d’informations pour les internautes, et un moyen efficace de contourner la censure, ne pourront plus être utilisés que pour “fournir ou échanger des informations personnelles”, selon le Premier ministre Nguyen Tan Dung. Responsable du Département de la Radio, télévision et information, Hoang Vinh Bao a déclaré au site d’informations VNExpress que le décret prévoit d’interdire sur les réseaux sociaux toutes “informations générales (…), de journaux, d’agences de presse ou de sites controlés par l’Etat”. La censure sera donc globale, et comprend même les articles émanant de la presse officielle.
L’annonce de ce décret survient quelques jours seulement après que le Vietnam a décidé de poser sa candidature pour siéger au conseil des Droits de l’Homme pour le mandat 2014-2016. Reporters sans frontières rappelle que le paragraphe 9 de la résolution 60/251 de l’Assemblée générale du 3 avril 2006, instituant le Conseil des droits de l’homme prévoit que “les membres élus du Conseil observeront les normes les plus strictes en matière de promotion et de défense des droits de l’homme”, des conditions que le pays est bien loin de remplir.
Au Vietnam, les blogueurs et net-citoyens font l’objet d’une sévère répression. Reporters sans frontières a récemment lancé une pétition, réclamant la libération des 35 cyber-dissidents actuellement incarcérés dans ce pays, devenu la deuxième prison au monde pour les acteurs de l’information, après la Chine. En 2011, quelques mois avant sa réélection, le premier Ministre Nguyen Tan Dung avait signé l’entrée en vigueur du “Media Decree 2/2011/ND-CP” sur les sanctions pour les infractions administratives dans le journalisme et la publication. Le décret prévoit des amendes allant de 1 à 4.000.000 dongs (35-140 euros) pour les journalistes et les journaux qui fourniraient des informations sur l’actualité nationale et internationale qui ne seraient pas “honnête” ou “en conformité avec les intérêts du pays et du peuple”. Il interdit également aux blogueurs d’utiliser des noms de plume et impose des amendes aux journalistes qui publieraient pas les sources de l’information qu’ils produisent.
Situé au 172ème rang sur 179 au classement mondial 2013 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières, le Vietnam figure également dans le Rapport spécial surveillance “Les Ennemis d’Internet”, publié le 12 mars 2013 à l’occasion de la Journée mondiale contre la censure sur Internet. L’organisation avait alors récompensé, le blogueur pour son engagement dans la liberté de l’information au Vietnam.
Vous aussi, demandez la libération des 35 blogueurs emprisonnés : signer la pétition