Reporters sans frontières déplore le maintien de l’interdiction faite aux radios locales de diffuser dans les cinq jours précédant les élections générales du 28 juillet 2013 des informations relatives aux commentaires, mais également aux résultats du scrutin le jour J. Cette décision, datée du 21 juin 2013, fait partie d’une série de directives de censure initiées par le comité national électoral et endossées par le ministère de l’Information.
“Nous condamnons fermement le maintien de cette directive, qui porte lourdement atteinte à la liberté de l’information. Les autorités visent clairement à limiter l’accès des électeurs aux programmes de radio critiques qui ne suivent pas la ligne édictée par le régime”, a déclaré Reporters sans frontières.
“L’accès sans entraves à une information indépendante constitue le fondement de toute élection libre. Nous rappelons aux autorités cambodgiennes qu’à défaut, ce scrutin ne saurait être considéré comme transparent et démocratique”, a ajouté l’organisation.
Interrogée par Reporters sans frontières, la radio américaine Voice of America (VOA), présente au Cambodge et qui a déjà été la cible de censure, a déclaré depuis Washington DC “Nous sommes au courant des restrictions pesant avant le scrutin sur la couverture des élections par les médias au Cambodge. Voice of America continuera de fournir à son public des informations fiables, précises et complètes, et exhorte le gouvernement à abolir toutes les restrictions à la libre circulation de l’information. Chris Decherd, responsable du service khmer de Voice of America a ajouté : “Le Cambodge est un pays où pratiquer un journalisme indépendant de qualité relève du défi, y compris lors des campagnes et scrutins électoraux. Le service khmer de VOA poursuivra son important travail de transmission d‘informations précises et nuancées, en langue khmère, aux citoyens du Cambodge”.
Reporters sans frontières salue toutefois le retrait des deux interdictions faites aux médias locaux de diffuser des informations en provenance de médias étrangers au cours des 31 jours précédant l’élection, ainsi que les programmes en langue khmère de radios étrangères. L’année dernière, les élections communales du 3 juin 2012 avaient également été marquées par l’interdiction faite aux radios cambodgiennes de retransmettre les programmes de Voice of America (VOA) et Radio Free Asia (RFA) traitant du scrutin. Une station de radio avait été contrainte de cesser d’émettre, et une autre forcée de diffuser exclusivement des contenus musicaux.
Les informations transmises par des médias basés à l’étranger représentent en effet bien souvent le seul moyen pour les citoyens de recevoir une information alternative. Au Cambodge, où tous les médias sont soumis à la supervision du Parti du Peuple du Cambodge, le média le plus populaire est la télévision, mais aucune chaine ne peut diffuser d’information objective. La radio reste le média le plus accessible en matière d’information alternative ; parmi la centaine de radios recensée par le Ministère de l’Information, seules trois sont considérées comme indépendantes du pouvoir.
A l’approche des élections, Reporters sans frontières et le Cambodia Center for Independent Media (CCIM) avaient publié le 3 juillet 2013 des recommandations agressées aux autorités cambodgiennes, aux responsables politiques et au gouvernement :
* Mettre en application les recommandations acceptées à l’issue de la session de 2009 du Conseil des droits de l’homme des Nations unies,
* Préparer un projet de loi sur l’accès à l’information combiné à une loi sur le liberté de l’information, et ce en consultation avec la société civile pour améliorer la transparence et le professionnalisme des médias,
* Mettre un terme à l’impunité et créer une commission chargée d’enquêter sur le cas de ainsi que des agresseurs de journalistes et professionnels des médias,
* Ouvrir le marché de la télévision et de la radio à des radiodiffuseurs indépendants et communautaires, en réformant les processus d’attribution des fréquences pour que les radios communautaires puissent émettre,
* Rendre public le projet de cyber-loi et autoriser la société civile à contribuer à son élaboration,
* Abroger la loi criminalisant la négation du génocide khmer
Le Cambodge se situe à la 143ème place sur 179 au classement mondial 2013 de la liberté de la presse.
Photo : Nicolas Axelrod / GETTY IMAGES ASIAPAC / Getty Images / AFP