Reporters sans frontières s’inquiète de l’hostilité croissante envers les professionnels de l’information en Egypte, suite notamment à la déclaration, le 17 août dernier, du Service de l’information de l’Etat égyptien (SIS), déplorant la couverture, par les médias étrangers, des événements.
L’organisation condamne fermement la multiplication des interpellations cette dernière semaine et rappelle aux autorités égyptiennes qu’il est de leur devoir de permettre aux journalistes d’exercer leurs fonctions dans les meilleures conditions. Reporters sans frontières les exhorte notamment à libérer le journaliste, , reporter pour le groupe de médias turc, TRT (Turkish Radio and Television Corporation), détenu arbitrairement depuis le 16 août 2013, ainsi qu’, collaborateur d’Al-Jazeera, arrêté le 14 août. Aucune charge n’a été officiellement retenue contre eux.
Alors qu’ils couvraient le raid des forces de sécurité à l’intérieur de la mosquée Al-Fath, sur la place Ramsès, Metin Turan et sa collègue, Hibe Zekeriya de l’Anadolu Agency ont été arrêtés le 16 août dernier par les forces de police et placés en garde à vue. Dans un dernier appel téléphonique, la journaliste Hibe Zekeriya a prévenu son agence qu’elle avait été conduite, avec son confrère, à la prison de Tora. Elle a été libérée huit heures plus tard (le 17 août) mais Metin Turan est toujours en détention. Selon le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères, des négociations sont en cours pour obtenir sa libération.
Le correspondant d’Al-Jazeera, Abdallah Shami, arrêté le 14 août dernier, est également toujours détenu. D’après le site de la chaîne qatarie, il a été transféré le 18 août à la prison d’Abou Zaabal, et sa détention prolongée, le 18 août, pour quinze jours sans qu’aucune charge n’ait été retenue contre lui.
Une équipe de France 2, composée de deux journalistes, , , un monteur et un fixeur , a été interpellée par l’armée, dans la journée du 17 août devant la mosquée Al-Fath. Les quatre membres de l’équipe ont été libérés après avoir été détenus pendant une dizaine d’heures “dans des locaux du renseignement”.
Le journaliste freelance allemand , qui avait été arrêté au Caire le 14 août et détenu dans un commissariat de police, a quant à lui été relâché 48 heures plus tard.
Au delà de ces interpellations, Reporters sans frontières déplore les agressions de , freelance collaborant entre autres pour l’hebdomadaire américain Time et du photographe freelance , non loin de la place Ramses au Caire, le 16 août 2013. Dans son témoignage publié sur le site de Time, Jared Malsin explique qu’il était à proximité de la place lorsqu’iI a été stoppé une première fois avec son collègue par un groupe d’hommes, certains armés de bâtons, qui ont confisqué leur matériel. L’un d’entre eux l’a violemment giflé.
Peu après, les deux journalistes ont récupéré une partie de leur matériel professionnel, avant d’être à nouveau stoppés par un autre groupe et emmenés dans un garage. Ils n’ont pu sortir pendant plus de deux heures “pour des raisons de sécurité”.
Le 17 août, le ministère de l’Intérieur a interdit la présence de ces groupes armés, appelés “comités populaires”, qui se sont donnés pour mission de “protéger” leurs quartiers des Frères musulmans. Ces comités auto-proclamés ont installé des barrages dans les rues et contrôlent ceux qui circulent.
Dans une interview accordée au journal télévisé de 20 heures, le 18 août, Dorothée Olliéric, explique les intimidations et humiliations perpétrées à l’encontre de son équipe, liées – selon elle – à la rancoeur croissante des Egyptiens à l’égard des médias internationaux. La plupart des Egyptiens “ne comprennent pas et ne supportent pas les critiques de la communauté internationale” contre l’action forte du général Al-Sissi. En s’en prennant aux médias, les Egyptiens nous envoient un message, “laissez-nous combattre le terrorisme à notre façon et ne vous en melez pas” ”, a-t-elle déclaré.
La situation pour les professionnels de l’information en Egypte est de plus en plus tendue. Dans une déclaration du 17 août, à destination des médias étrangers, le Service de l’information de l’Etat égyptien (SIS), déplore le manque de neutralité des médias étrangers dans la couverture des évènements récents en Egypte. Alors que trois journalistes ont trouvé la mort et qu’un nombre important de professionnels de l’information ont été agressés et/ou interpellés, le pouvoir intérimaire déclare: “L’Egypte fait part de son amertume vis à vis des médias internationaux qui couvrent de manière biaisée l’information, en faveur des Frères musulmans, alors qu’ils ferment les yeux sur les actes de violence et de terreur perpétrés par ce groupe afin d’intimider et de terroriser les citoyens”.
Le soir même, lors d’une conférence de presse, le conseiller politique du président intérimaire, Mostafa Hegazy, a répondu à la question d’un journaliste qui s’inquiètait de la montée des hostilités contre les médias étrangers en dénonçant une couverture asymétrique des évènements. A la fin de cette conférence, un dossier intitulé “L’Egypte combat le terrorisme, 14/16 août”, regroupant des photos et des commentaires d’actes de terreur commis par les partisans de Morsi, a été distribué aux journalistes.